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A, le 23 novembre 2005

Raymond S.

À
Dr R. S.
Directeur de cli­nique et
Chef du Service Maternité
Clinique C.

Objet : Accouchement de Caroline S.
Clinique C.

Courrier AR
Copie : Conseil National de l’Ordre des Médecins

Monsieur,

Mon épouse Caroline a accou­ché de notre fille E. à la cli­nique C. le XX octobre 2005. Suite aux com­pli­ca­tions sur­ve­nues, je vous ai ren­con­tré à votre bureau le XX novembre et je vous ai déjà rela­té les faits très cho­quants et douloureux.

Je vous pré­cise que mon épouse était sui­vie par le Docteur P.M. depuis 2001.

Par le pré­sent cour­rier, j’at­tire votre atten­tion sur les dys­fonc­tion­ne­ments consta­tés et sur le com­por­te­ment de l’é­quipe médi­cale. Dans l’at­tente de votre réponse, je vous pré­cise que Caroline S. se réserve le droit de pour­suivre devant la juri­dic­tion compétente.

1/ Antécédents :
Caroline a été césa­ri­sée par le Docteur M. le XX février 2002 à la cli­nique C., pour notre enfant B. se pré­sen­tant en siège. Vu ce fait, le Docteur M. a avi­sé mon épouse que pour la nais­sance d’E., un accou­che­ment par voie basse pour­rait être envi­sa­gé uni­que­ment s’il se pas­sait sans com­pli­ca­tion et sans fati­guer l’u­té­rus cica­tri­ciel. Dans le cas contraire, aucun risque ne serait pris et l’on s’o­rien­te­rait vers une nou­velle césa­rienne, un uté­rus cica­tri­ciel ne pou­vant être trop sollicité.

2/ Sur les faits :
Le XX octobre 2005 à 5h00, j’ai accom­pa­gné mon épouse à la cli­nique C. Les contrac­tions consta­tées toutes les 5 minutes depuis 2h30 du matin sont confir­mées par la sage femme de per­ma­nence de nuit. On effec­tue un moni­to­ring, puis une ins­tal­la­tion en chambre. Après quelques heures d’at­tente avec des contrac­tions gérées, le Docteur D. vient exa­mi­ner mon épouse en fin de mati­née et nous annonce une dila­ta­tion de 4 et demande donc une ins­tal­la­tion en salle de tra­vail. La sage femme I. S. se pré­sente alors, exa­mine éga­le­ment mon épouse, et annonce qu’en fait la dila­ta­tion est à 8 et qu’il faut poser la péri­du­rale sans tarder.

L’anesthésiste pro­cède à la pose vers 13h00 et quitte la salle de tra­vail ; on ne le rever­ra pas...

Durant une heure trente, la péri­du­rale atté­nue consi­dé­ra­ble­ment la dou­leur des contrac­tions. Mais vers 14h30, la dou­leur rede­vient très forte. Mon épouse avise la sage-femme du fait que l’anes­thé­sie ne fait plus effet. Cette der­nière lui déclare en ces mots : « Vous ne souf­frez pas « ma grande », vous allez avoir un bébé » Merci pour la nuance ! Ma femme se plaint sur­tout d’une dou­leur interne du côté gauche au niveau de la cica­trice de son uté­rus. Mais rien n’y fait, per­sonne ne prend en compte ce fait. Elle pré­cise aus­si qu’elle se sent au bord du malaise, et à ceci, la sage-femme répon­dra : « Vous ne faites pas de malaise, vous êtes vagale, met­tez votre masque… » On nous laisse seuls durant encore une heure et c’est moi-même qui à chaque contrac­tion un peu plus dou­lou­reuse, véri­fie si l’en­fant n’ap­pa­raît pas…

Tout à coup vers 15h30, le Docteur D. et la sage-femme entrent dans la salle de tra­vail et s’ac­tivent, tou­jours sans aucun mot et aucune expli­ca­tion. On veut visi­ble­ment aller vite… Pourquoi, et pour­quoi tout à coup, alors que rien n’an­nonce une quel­conque urgence (cela fait une heure que nous sommes seuls dans la pièce !).

On demande à ma femme de pous­ser de toutes ses forces, elle s’exé­cute mais la dou­leur est ter­rible, tou­jours au niveau de la cica­trice de l’u­té­rus. On ne l’é­coute pasIl y a long­temps que la péri­du­rale n’est plus effi­cace. Au bout d’un cer­tain temps, la sage-femme a même la phrase mal­heu­reuse : « puisque vous ne savez pas pous­ser, on va prendre les forceps… »

Le Docteur D. pro­cède aux épi­sio­to­mies qui font bon­dir ma femme, prend alors les for­ceps, les intro­duit pro­fon­dé­ment et com­mence alors une tor­ture qui parait inter­mi­nable, Caroline n’ayant plus d’ef­fet d’anes­thé­sie, je le répète. Je l’en­tends dire que c’est une « OS » et c’est sous les cris de ma femme que l’on sort dif­fi­ci­le­ment le bébé, bien mar­qué par les forceps.

Aucune parole de récon­fort, aucune expli­ca­tion du Docteur et de la sage-femme… Devant ce qui vient de se pas­ser, on fait silence. Je sors à ce moment avec C. pour les soins du bébé. A mon retour dans la salle de tra­vail avec ma petite fille dans les bras, je constate, plus de trente minutes après, que le Docteur D. est tou­jours en train de faire les points de suture, et tou­jours sans aucune anes­thé­sie. J’apprends par ma femme tota­le­ment épui­sée qu’on vient de lui faire une révi­sion uté­rine, des points dans le vagin (deux déchi­rures : à gauche et à droite) et qu’on conti­nue à la « recoudre » sans anes­thé­sie.

Quand tout est ter­mi­né, le Docteur et la sage-femme dis­pa­raissent et l’on nous laisse seuls pen­dant envi­ron une heure trente.

Ensuite, le Docteur D. passe nous voir dans la salle de tra­vail et déclare à mon épouse : « C’était une OS donc un peu difficile…d’où les déchi­rures dans le vagin… » Quand je l’in­ter­pelle sur ce qui s’est pas­sé, j’ob­tiens cette réponse : « Ne jugez pas, vous ne savez pas… » Mes com­pli­ments pour une telle réponse !

C., pué­ri­cul­trice, vient pro­po­ser de l’aide à mon épouse pour l’as­seoir dans une chaise rou­lante et je l’ac­com­pagne à sa chambre, tou­jours dans la dou­leur et les sai­gne­ments qui sont abondants.

J’ai dû quit­ter mon épouse ensuite vers 20 h 00 pour ren­trer à mon domi­cile, ayant un autre enfant à charge.

Un gyné­co­logue et une infir­mière de nuit sont pas­sés exa­mi­ner mon épouse. Caroline a alors avi­sé qu’elle souf­frait énor­mé­ment et que les sai­gne­ments étaient impor­tants. Elle a pré­ci­sé qu’elle se sen­tait extrê­me­ment faible et ne pou­vait se lever du lit sans faire de malaise. L’infirmière lui répond alors : « Vous avez un lever pire qu’une césa­ri­sée… » Magnifique consta­ta­tion ! Malgré cela, on l’exa­mine som­mai­re­ment, le gyné­co­logue pré­ci­sant que tout va bien… On lui donne quelques cal­mants bien insuf­fi­sants en com­pa­rai­son de la dou­leur res­sen­tie, et l’in­fir­mière lui dit qu” »une épi­sio, c’est comme ça, c’est normal… »

La nuit s’est pas­sée dans une dou­leur ter­rible non cal­mée, et seule, de une heure à sept heures envi­ron. Ce n’est qu’au matin qu’une sta­giaire pré­nom­mée A., en com­pa­gnie de M.H., consta­te­ront la blan­cheur de ma femme qui avait sai­gné toute la nuit. Le Docteur G. de per­ma­nence a été pré­ve­nu et ce der­nier a effec­tué une écho­gra­phie (l’après-midi) et une prise de sang. Bilan : 5,8 d’hé­mo­glo­bine, un gros héma­tome externe, un héma­tome interne de 7cm (écho­gra­phie faite par le Dr G.), une pré­sence de sang au niveau de la cica­trice de l’u­té­rus, et une vision impres­sion­nante des nom­breux points externes (cli­chés dis­po­nibles sur demande).

Le Docteur G. a été très com­pa­tis­sant en aus­cul­tant mon épouse, sen­sible à ce qu’elle avait vécu et aux plaies visibles. Il m’a alors avi­sé qu’une trans­fu­sion était néces­saire vu son état de san­té. Elle rece­vra deux culots ven­dre­di et un troi­sième same­di matin. Caroline est res­tée jus­qu’au same­di 5 novembre, date à laquelle elle a sou­hai­té rega­gner notre domicile.

Devant tout ce qui a été vécu et mal­gré le com­por­te­ment qu’ont eu le Docteur D. et I.S. la sage-femme, je dois féli­ci­ter une équipe soi­gnante for­mi­dable, à l’é­coute, pro­fes­sion­nelle, et je peux citer des noms comme M., M.H., C., A., C. (une inté­ri­maire) et je suis déso­lé d’en oublier. Je ne fais pas d’amalgame.

3/ Les ques­tions :
. Considérez-vous nor­mal qu’un anes­thé­siste qui pose une péri­du­rale vers 13h00 ne vienne pas s’as­su­rer qu’elle fonc­tionne cor­rec­te­ment avant qu’on pro­cède à l’ac­cou­che­ment à 15h44 ? Et que ce der­nier ne revienne pas du tout voir sa patiente ? Je pré­cise tout de même que le chèque de cent cin­quante euros, mon­tant de la péri­du­rale, a bien été rédi­gé pour l’anesthésie…
. Considérez-vous nor­mal que mal­gré les plaintes de mon épouse concer­nant la dou­leur intense à son uté­rus cica­tri­ciel, per­sonne n’en tienne compte, et que le seul com­men­taire de la sage-femme soit : « Vous ne souf­frez pas, vous allez avoir un bébé… » ? On va com­men­cer l’ac­cou­che­ment en lui disant seule­ment qu’il est encore une fois nor­mal qu’elle « sente » quand il fau­dra pous­ser… Souffrir n’est pas sen­tir. Est-on auto­ri­sé à tor­tu­rer une per­sonne en toute léga­li­té et toute impu­ni­té sans action de la part de l’é­quipe pré­sente pour remé­dier à la dou­leur ? Nous sommes en 2005…
. Considérez-vous nor­mal que mal­gré une pré­sen­ta­tion en « OS », (le plus grand péri­mètre crâ­nien), la dou­leur, et l’é­pui­se­ment de mon épouse, on pro­cède à un accou­che­ment voie basse en déchi­rant le vagin de chaque côté et en fai­sant deux épi­sio­to­mies énormes (même les infir­mières de votre ser­vice nous ont révé­lé avoir été impres­sion­nées par de telles plaies…), en ris­quant à tout moment la rup­ture de l’u­té­rus fra­gi­li­sé et encore une fois sans anesthésie ?
. Considérez-vous nor­mal qu’a­près l’ac­cou­che­ment bar­bare dont je suis témoin, on pour­suive avec une révi­sion uté­rine, et qua­rante minutes de « cou­ture », sans anesthésie ?
– Que de plus, pour reti­rer la péri­du­rale, I.S. se com­porte de façon presque vio­lente en bous­cu­lant mon épouse pour reti­rer sans ména­ge­ment aiguilles et bandes col­lantes ? Que cette der­nière un ins­tant aupa­ra­vant, alors que l’on recoud le vagin déchi­ré de mon épouse qui cherche un peu de récon­fort, déclare sèche­ment : « Ne me tenez pas le bras comme ça, c’est fini l’accouchement… » ?
. Considérez-vous nor­mal les seules paroles du Docteur D. à mes ques­tions sur la vio­lence de l’ac­cou­che­ment : « Ne jugez pas, vous ne savez pas… » ?
. Considérez-vous nor­mal que mal­gré les plaintes de Caroline concer­nant ses sai­gne­ments et sa dou­leur insup­por­table, elle ait pas­sé une nuit seule sans surveillance ?
. Considérez-vous nor­mal qu’au­cun exa­men plus pré­cis (comme une écho­gra­phie) n’ait été effec­tué pour s’as­su­rer qu’il n’y avait pas de com­pli­ca­tions vu l’accouchement ?
. Considérez-vous nor­mal que pour un accou­che­ment soit-disant sans com­pli­ca­tion, on doive trans­fu­ser de trois culots une femme parce qu’on n’a pas sur­veillé ses sai­gne­ments, avec les risques que cela comporte ?

Monsieur, vous pour­rez peut-être employer des termes médi­caux com­plexes, invo­quer un état de néces­si­té ou d’ur­gence, et ten­ter de mini­mi­ser ce qui s’est pas­sé, les faits se sont bien dérou­lés ain­si, non­obs­tant la pré­ci­sion des horaires.

Mon épouse et moi sommes extrê­me­ment cho­qués, autant par les actes, que par les paroles (ou absences de parole) et l’in­dif­fé­rence du per­son­nel face à une telle situa­tion. Il faut tout de même avoir un com­por­te­ment à la limite du sadisme pour pou­voir faire souf­frir ain­si une personne.

À ce jour, soit un mois après l’ac­cou­che­ment, Caroline souffre tou­jours, phy­si­que­ment et mora­le­ment. Elle ne peut se dépla­cer sans efforts consé­quents, ne peut res­ter en posi­tion sta­tion­naire plus de quelques ins­tants. Une vive dou­leur demeure au niveau de l’u­té­rus et au niveau des cica­trices. Des cau­che­mars de tor­ture et de viol la réveillent chaque nuit. Elle est très perturbée.

Cet accou­che­ment trau­ma­ti­sant va hélas cer­tai­ne­ment limi­ter notre famille, pen­ser à pré­sent avoir un troi­sième enfant est sérieu­se­ment remis en question.

Une sage-femme la visite régu­liè­re­ment à domi­cile. Elle est sui­vie par un psy­cho­logue. On lui a annon­cé une longue convalescence.

Le trau­ma­tisme psy­cho­lo­gique pré­sent pour long­temps, les dou­leurs per­sis­tantes, et un futur bilan san­guin dans trois mois suite à la trans­fu­sion ne per­mettent pas d’i­ma­gi­ner accep­ter un seul ins­tant que l’on puisse nous dire qu’il faut rela­ti­vi­ser, la maman et l’en­fant étant en vie…

Les patients ont le droit de s’ex­pri­mer, et vous avez l’o­bli­ga­tion de les écouter.

Dans l’at­tente de votre réponse, je vous prie d’a­gréer, Monsieur, mes salu­ta­tions distinguées.

Raymond S.