Première épisiotomie en Europe au XVIIIème siècle

Sir Fielding Ould, sage-femme, décrit pour la pre­mière fois en Europe la pra­tique de l’épisiotomie en 1742 dans son ouvrage A Treatise of Midwifery, Dublin, Nelson and Connor, 1742. (1)

L’épisiotomie en Amérique du Nord au XIXème siècle

Première men­tion de l’é­pi­sio­to­mie sur le conti­nent Nord amé­ri­cain dans le jour­nal The Stethoscope and Virginia Medical Gazette en 1852 (1). Il s’a­git d’un article de RM Taliaferro, Rigidity of soft parts : Delivery effec­ted by inci­sion in the per­ineum. Stethoscope Va Med Gazette 2 : 383, 1852 où il décrit une épi­sio­to­mie médio-latérale dans un cas d’éclampsie.

L’épisiotomie préconisée au XXème siècle

1921 Joseph Bolivar DeLee, méde­cin et fon­da­teur du Chicago Lying-in hos­pi­tal (3) publie « The Prophylactic Forceps Opération » (1), où il recom­mande un ensemble de pra­tiques préventives

  • Anesthésie de la femme avec de l’éther dès que la tête a pas­sé le col de l’utérus.
  • Pratique d’une large épi­sio­to­mie médio­la­té­rale (péri­néo­to­mie)
  • Utilisation des for­ceps systématisé
  • Révision uté­rine (aller cher­cher le pla­cen­ta à la main au lieu d’attendre son expulsion)
  • Médication de la femme avec de la sco­po­la­mine (un séda­tif pou­vant entraî­ner des hal­lu­ci­na­tions déli­rantes et uti­li­sé comme « sérum de véri­té » durant la 2ème guerre mon­diale) et de la mor­phine avant le long tra­vail de cou­ture qui va s’ensuivre
  • Prolongation de la nar­cose (som­meil induit par les nar­co­tiques) pour plu­sieurs heures en post­par­tum et pour abo­lir la mémoire du tra­vail. (4)
  • Tirer vers le bas le col de l’utérus avec un for­ceps inven­té pour cet usage pour l’examiner.
  • Réparer toute égra­ti­gnure et déchi­rure et labo­rieu­se­ment recons­truire le vagin pour recons­ti­tuer des « condi­tions virginales »

Pour DeLee, il s’a­git donc de pré­ve­nir les dom­mages cau­sés à l’en­fant (il craint que les contrac­tions n’en­dom­mage le cer­veau du bébé), les dom­mages cau­sés à la femme (tirer sur le col de l’u­té­rus pour pou­voir l’exa­mi­ner avant remise en place) ain­si qu’une recons­ti­tu­tion des « condi­tions virginales ».

Les idées de DeLee se répandent au Amérique du Nord, en Europe et dans le reste du monde.

La remise en cause de l’épisiotomie dans les années 1980 – 1990

1983 Thacker et Banta [1] publient la pre­mière revue de lit­té­ra­ture (1860- 1980). Ils concluent à l’ab­sence de preuve sur les béné­fices des épi­sio­to­mies de rou­tine (60% aux Etats-Unis à l’é­poque) alors qu’elle est asso­ciée à des com­pli­ca­tions, y com­pris des décès.

1992, MC Klein [2] réa­lise une étude démon­trant l’ab­sence de rôle pré­ven­tif de l’é­pi­sio­to­mie pour la pré­ven­tion des trau­ma­tismes péri­néaux ; dans des articles récents, il raconte qu’il a ren­con­tré des obs­tacles pour faire publier ses études sur le sujet [3]

1993 Hordnes et Bergsjo [4] publient une étude remet­tant en cause du rôle pro­tec­teur de l’é­pi­sio­to­mie médiane quant à l’in­con­ti­nence fécale

1995 Woolley [5] publie un revue de lit­té­ra­ture depuis 1980, consi­dé­ré comme le « pre­mier réqui­si­toire vrai­ment struc­tu­ré contre l’utilisation large de l’épisiotomie »[6]

1999 Wagner [7] publie Episiotomy : a form of geni­tal muti­la­tion dans The Lancet pour leur rap­pe­ler leur rôle dans l’a­ban­don de la cli­to­ri­dec­to­mie en Grande Bretagne quelques 130 ans plus tôt et les inci­ter à jouer le même rôle face à cette autre forme de muti­la­tion géni­tale qu’est l’é­pi­sio­to­mie préventive.

Marsden Wagner est décé­dé en 2014 à l’âge de 84 ans. Il fut un grand défen­seur de la méde­cine basée sur des faits pro­bants (EBM), de la pro­fes­sion de sage-femme et a sou­vent poin­té l’in­té­rêt de la nais­sance non hos­pi­ta­lière pour les femmes en santé.

Années 1990. Certains auteurs com­mencent à par­ler de muti­la­tion géni­tale. Robbie Davis Floyd [8] et Leilah Mac Cracken [9] dénoncent dans leurs ouvrages l’as­pect rituel de l’é­pi­sio­to­mie et replacent cette pra­tique dans un contexte plus large de rap­port au corps féminin.

2003 Création de l’Alliance Francophone pour l’Accouchement Respecté (AFAR) à l’o­ri­gine en 2004 de la pre­mière Semaine Mondiale pour l’Accouchement Respecté (SMAR) dont le thème est l’é­pi­sio­to­mie. A cette occa­sion du maté­riel mili­tant est créé : syn­thèse sur l’é­tat de la recherche en 74 pages, résu­mé de la syn­thèse sur 2 pages, tract affir­mant que l’é­pi­sio­to­mie effec­tué en rou­tine est une muti­la­tion, orga­ni­sa­tion d’un évé­ne­ment sur Paris. L” AFAR se pro­longe d’une antenne au Canada et prend part en France au col­lec­tif inter­as­so­cia­tif autour de la NaisancE (CIANE) en lui four­nis­sant des don­nées biblio­gra­phiques issues de sa base de données.

2005 La créa­tion du site épisiotomie.info, ancêtre du site episio.info, vient com­plé­ter le dis­po­si­tif mili­tant. Une veille média­tique est effec­tuée et des lettres sont rédi­gées pour faire modi­fier les infor­ma­tions inexactes. Le site épisiotomie.info est rapi­de­ment tra­duit en espa­gnol par l’as­so­cia­tion El Parto es Nuestro.

2009 Le site site épisiotomie.info est acci­den­tel­le­ment per­du. Il est par­tiel­le­ment recons­truit grâce à la sau­ve­garde de nos amies espa­gnoles. De l’é­quipe autour d’épisiotomie.info il ne reste plus qu’Emmanuelle et Barbara par ailleurs très prises par d’autres engagements.

2013 Canada. Publication de la thèse de Stéphanie Saint-Amant, membre de l’AFAR, Déconstruire l’ac­cou­che­ment : épis­té­mo­lo­gie de la Naissance, entre expé­rience fémi­nine, phé­no­mène bio­lo­gique et praxis technomédicale.

France. Publication du livre de Marc Girard, Brutalisation du corps fémi­nin dans la méde­cine moderne.

2014 En France, à la suite du témoi­gnage d’Agnès Ledig [10] des mères, des pères et des sages-femmes témoignent dans les médias sociaux et dans la presse clas­sique de la per­sis­tance de la pra­tique (rare) du « point du mari » ou « point de cour­toi­sie » qui consiste à léser les bords du vagin afin d’en rétré­cir légè­re­ment l’en­trée une illus­tra­tion de ce que Mac Cracken nomme « l’in­fi­bu­la­tion puerpérale ».

Le 25 novembre 2014, le site episio.info est lan­cé désor­mais direc­te­ment sous la ges­tion de l’AFAR. Pour ce faire Emmanuelle Phan et Barbara Strandman retra­vaille l’en­semble du conte­nu en dehors de la page sou­la­ger écrite par Blandine Poitel en 2005 et qui est la plus visi­tée du site.

2016 Parution des brutes en blancs de Martin Wincler. Publication de la thèse de Stéphanie Saint-Amant

Juillet 2017, en France un erreur de chiffre de Marlène Shiappa entraine un buzz média­tique sur la ques­tion de l’é­pi­sio­to­mie et de la vio­lence obs­té­tri­cale. Plusieurs ouvrages paraissent : Le livre noir de la gyné­co­lo­gie de Mélanie Déchalotte, Accouchement les femmes méritent mieux de Marie-Hélène Lahaye.

Sources

[1] Thacker SB, Banta HD. Benefits and risks of epi­sio­to­my : an inter­pre­ta­tive review of the English lan­guage litterature,1860 – 1980. Obstet Gynecol Survey 1983 ; 38 : 322 – 38.

[2] Klein MC et al. Does Episiotomy Prevent Perineal Trauma and Pelvic Floor Relaxation ? First North American Trial of Episiotomy.Inaugural issue : On-Line Journal of Current Clinical Trials. American Association Advancement Science. 1992;1:July 1 (Doc 10).

[3] What Do Episiotomy and Cesarean Have to Do with Copernicus, Galileo, and Newton ? Michael C. Klein. Birth. Volume 37, Issue 1, pages 1 – 2, March 2010

[4] Hordnes K, Bergsjo P. Severe lace­ra­tions after child­birth Acta Obstet Gynaecol Scand 1993 ; 72:413 – 422.

[5] Woolley RJ. Benefits and risks of episiotomy:a review of the English-language lite­ra­ture since 1980. Part 1&2. Obstet Gynecol Survey 1995 ; 50 : 806 – 35.

[6] Recommandations de pra­tique cli­nique sur l’é­pi­sio­to­mie. Introduction de B.Jaquetin (2006) http://www.em-consulte.com/en/article/118003

[7] Marsden Wagner. Episiotomy : a form of geni­tal muti­la­tion. The Lancet – 5 June 1999 (Vol. 353, Issue 9168, Pages 1977 – 1978)

[8] Robbie Davis-Floyd, anthropologue

[9] Leilah MacCracken, Naissance médi­ca­li­sée : « Le viol du ving­tième siècle consul­table sur http://portail.naissance.asso.fr/docs/viol20siecle.htm ou en anglais Rape of the 20th Century, 1998 – 2000

[10] http://www.isabelle-alonso.com/le-point-du-mari/

et voir par exemple

http://www.journaldesfemmes.com/societe/combats-de-femmes/le-point-du-mari-ou-l-episiotomie-sexiste.shtml,

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1164169-point-du-mari-apres-l-accouchement-je-n-y-ai-pas-cru-jusqu-a-ce-que-je-le-voie.html