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Écrit par Blandine 25-10-2005
J’ai 45 ans … ma fille a 23 ans passé. Cela fait plus de 23 ans que j’ai accouché pour la première fois, et je ne peux y repenser sans avoir la sensation de replonger dans un cauchemar. Pourtant cet accouchement était « normal » … pas de forceps, pas de césarienne …
Je suis loin d’avoir vécu l’enfer qu’ont traversé certaines.
Je ne raconterai pas l’accouchement, trop long, venons en donc au fait : l’épisiotomie.
Je suis couchée dans la position classique : sur le dos, les pieds dans les étriers. A chaque contraction, je pousse ainsi qu’on me le demande … je ne ressens guère d’envie de pousser : j’ai une péri. Cela fait une demi heure déjà que cela dure – je vois l’horloge sur le mur d’en face … une demi heure que les sage femmes de nuit se relaient sur mon ventre à deux – le lendemain, j’aurai l’impression qu’une équipe de rugby a fait une mêlée sur moi -, que celle de jour est entre mes jambes, y a aussi un interne à ma tête, et une élève sage femme juste derrière la sage femme entre mes jambes. Le papa aussi est là, à ma tête, et puis d’autres personnes me semblent il, j’ai l’impression qu’il y a du monde, j’étouffe … cela fait moment, l’interne commence à me prendre la tête « trois poussées par contraction madame, trois poussées !!! » à un moment il ajoute « on va pas y passer la journée » … j’attends que la contraction passe, je reprends mon souffle, et je siffle rageusement « ta
gueule c’est moi qui accouche » … oups ça fait du bien, sortie de l’interne indigné.
Je regarde la sage femme entre mes jambes, elle se comporte bizarrement, elle a l’air de cacher quelque chose, je lève un peu plus la tête, m’agite et dit « vous cachez quoi là ? Vous voulez me faire une épisio ? Faites là, mais ne vous cachez pas !!! » (je ne pouvais pas savoir …) … deux secondes après j’entends ce bruit beuuuurkkkkkk, ce bruit que j’entends encore parfois … ce bruit du ciseau qui coupe ma chair. Je ne sens rien. Je vois la jeune élève sage femme, qui est très mate de peau, devenir blanche, puis verte, poser la main sur sa bouche, s’appuyer sur le mur et puis sortir en courant. Oups, mais qu’est ce qui peut bien sortir d’entre mes jambes de si monstrueux ? Je n’ai guère le temps d’y réfléchir … je dois encore pousser pousser pousser j’en peux plus, ça me brûle de façon atroce mais faut que je pousse … et ma fille naît, on la pose dix secondes sur mon ventre, juste le temps de se regarder, puis on l’emmène. Son papa part aussi, on lui demande de sortir … la
salle se vide. Quelque part, un bébé hurle à la mort, je sais que c’est ma fille, et je ne peux rien faire … le temps passe. Je suis seule dans cette grande salle vide, les jambes écartées, le sexe offert devant une porte ouverte où chaque personne qui passe jette un oeil …
Soudain un homme inconnu entre, ne dit rien, s’asseoit entre mes jambes et … pique mon sexe. Je hurle. Je bouge. Je le maudis. Il répond de me calmer, que j’ai eu une épisio, qu’il faut suturer. Qu’en plus faut que j’arrête mon cirque : je suis sous péri, donc je ne sens rien. Oupsssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss je redonne un coup de reins, bouge pas fort mais suffisamment pour l’empêcher de piquer tout en hurlant que siiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ca fait mal, très mal, que la péri n’agit plus et qu’il n’est pas question une seconde qu’il repique. Le ton monte :
« vous perdez beaucoup de sang, il faut que je suture vite arrêtez de faire l’enfant
– JE M’EN FOUS !!!!!!!!!!! REPIQUEZ UNE SEULE FOIS A VIF ET JE VOUS JURE QUE JE VOUS REFAIS LA MACHOIRE !!! Vous n’aurez plus une dent d’origine !!! »
Je continue de bouger, de crier, de l’insulter. De guerre lasse, en soupirant très très fort, il se lève. Revient quelques minutes après avec du matériel dans les mains. Se rassoit entre mes jambes, et me dit qu’il va m’injecter des anesthésiques locaux, plusieurs piqûres, qu’il ne faut pas que je bouge. Je reste aussi immobile qu’une statue, et il faut dire aussi que les sensations – entre la piqûre pour suturer à vif et celle pour injecter l’anesthésique – n’ont rien à voir du tout. Autant la première était douloureuse et insupportable, autant la deuxième ressemble à toutes les prises de sang que j’ai eu : gênant mais parfaitement supportable. L’interne attend que le produit fasse effet, piquant légèrement le périnée pour évaluer l’avancée de l’anesthésie, et me prévenant systématiquement avant de me toucher. Enfin il commence à suturer, je sens la piqûre, le passage du fil mais cela ne me fait pas mal. En cours de suture, il va à nouveau ré injecter de l’anesthésique, en me
prévenant de chacun de ses gestes … j’ai comme l’impression qu’il tient très fort à ses dents pour être aussi attentionné d’un coup .…
La suture va durer plus d’une heure … 14 points de suture sur trois plans de tissus qu’il m’a dit le monsieur … cela va me faire mal un moment, très long pour moi, très bref au regard de certains témoignages : plusieurs semaines.
Suite à ce premier accouchement, mon périnée s’est comme affaibli … j’ai des fuites urinaires d’effort, les deux accouchements suivants n’ont pas arrangé les choses, malgré les dizaines de séances de rééducation à la sonde. J’ai l’impression que toute cette région s’est comme affaissée. Je sais qu’il faudrait que je fasse un bilan. J’ai surfé un peu pour avoir une idée de ce qu’est ce bilan : sauve qui peut. Et je sais où il me mènera : salle d’opération. NON. Tant pis. Je ne supporte plus qu’on me trafique là.
J’ai eu de la chance, certaines ont souffert bien plus longtemps, ont eu des complications interminables … cela aurait pu être pire. Mais je me bats pour que cela ne soit plus jamais. J’ai une fille en âge d’être maman, et je ne veux pas qu’elle passe par là.
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