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Écrit par Natacha 08-12-2005

A 23 ans, j’ai eu une petite fille. J’ai aus­si per­du con­fi­ance en moi, surtout en ma capac­ité à gér­er mon corps.

Je savais intu­itive­ment et dans ma folle jeunesse, que j’é­tais capa­ble d’ac­couch­er accroupie dans la forêt. Seulement, j’habitais à Paris, j’é­tais assez con­fi­ante, j’aimais le monde, les arts, la sci­ence. Au début de ma grossesse, j’ai demandé à ma gyné­co si je pou­vais accouch­er accroupie quelque part. Elle m’a répon­du que ça ne se fai­sait pas trop, mais que les mater­nités et hôpi­taux en tout genre dans ce mer­veilleux pays, c’é­tait quand même bien, respectueux de l’en­fant et de la mère.
Pensez ! Le pays des droits de l’homme !
Evidemment, il était déjà un peu tard pour s’in­scrire ici ou là, je me suis donc inscrite à l’hôpi­tal St A. à côté de chez moi. Je savais si bien que je saurais accouch­er que la posi­tion ne comp­tait sans doute pas tant que ça… Et les sages-femmes étaient si gen­tilles avec leurs blous­es ros­es pâles !!!

Le jour de l’ac­couche­ment, je suis arrivée bien trop tôt, moi qui pen­sait ne pas trop souf­frir. Je ne voulais pas de péridu­rale, mais je pen­sais par con­tre que l’épi­siotomie était quelque chose d’indis­pens­able. C’était un gage de sexe bien fait, assez étroit pour éprou­ver du plaisir, et qui ne serait pas abîmé par un accouchement !
Quand j’y pense, c’est énorme ce qu’on peut faire avaler à une jeune femme de 23 ans !
Bref, je me suis retrou­vée couchée sur le dos, san­glée très étroite­ment à mes mon­i­tor­ings, et mon ami a été ren­voyé à la mai­son car il était bien trop tôt. Une heure après je per­dais les eaux et demandais avec une petite voix si on pou­vait rap­pel­er mon homme. Finalement, une gen­tille sage femme souri­ante a bien voulu le faire. Je passe sur des heures de souf­france, des inter­ven­tions sadiques d’une élève sage femme insup­port­able, et de quelques ques­tions gogue­nardes d’une infir­mière “alors tou­jours pas de péridurale ?”.
J’ai craqué de douleurs, j’ai demandé la péri, je me suis retrou­vée sous per­fu­sion (non, je ne sais pas de quoi) et j’ai atten­du. Une heure après, une envie de pouss­er, seule à accouch­er à ce moment là, j’ai eu l’im­mense hon­neur d’avoir toutes les sages-femmes, les infir­mières, les élèves entre mes jambes. J’ai été rasée, découpée, une sage-femme couchée sur mon ven­tre, j’ai poussé jusqu’à épuise­ment et j’é­tais fière de ne pas avoir eu les forceps.
Mon intim­ité vio­lée, mon sexe n’en par­lons pas.
La petite fille qui est sor­tie a repoussé l’hu­mil­i­a­tion au fond du corps, et pen­dant cinq jours à l’hôpi­tal, je pleu­rais de ne pas être chez moi, je mar­chais dif­fi­cile­ment, je m’émer­veil­lais. Avant de sor­tir, une sage-femme m’a enlevé les points, et soudain, j’ai pu marcher sans dif­fi­culté ! C’était recousu si ser­ré !!! Je sais que le découpage a été pro­fond, puisque points résorbables au fond, points enlevés sur le périnée, il fau­dra que je sache un jour ce qui m’a été fait. Je n’ai plus jamais recon­nu mon sexe. Comme s’il était décalé…
C’était en 1991.

Un an et demi plus tard, j’ac­couche à nou­veau à l’hôpi­tal St A., ignare que je suis, trop jeune, trop imma­ture pour résis­ter au lavage de cerveau. Une femme, quelque part dans le monde, est capa­ble d’ac­couch­er. Pas moi. Je me retrou­ve couchée, san­glée, cette fois parce que j’ai per­du les eaux il y a plus de 4 heures ! Non, non, il ne faut surtout pas s’asseoir. Je craque, je demande une péridu­rale, j’ai une épi­siotomie encore, mais cette fois, quel pro­grès, pas de rasage !
L’épisiotomie est faite sur l’an­ci­enne, médi­o­latérale à droite, plus petite, et celle là est mieux recousue puisque je marche sans prob­lème. Je sors au bout de trois jours, je suis sur­prise quand la sage-femme vient m’en­lever les points, cette fois ça ne me fait pas mal, la pre­mière fois j’en avais pleuré !
Bien sûr, après ces deux accouche­ments, j’ai saigné abon­dam­ment, mais 15 jours après je repre­nais une vie sex­uelle, tout en douceur à cause de la cica­trice, mais je la repre­nais. Evidemment, le plaisir était plus, com­ment dire, diffus ?

Ces accouche­ments ont aus­si con­tribué à sabor­der mon cou­ple. Il n’avait pas pu me pro­téger des agres­sions du per­son­nel de l’hôpi­tal, il n’avait pas réus­si à sauver mon assur­ance de femme, c’est lui qui s’est pris toute la destruc­tion subie à ce moment là. Cinq ans après, on se séparait.

En 2003, soit 10 ans et demi après mon deux­ième accouche­ment, je recom­mence. J’ai refait ma vie, mais j’ai aus­si retrou­vé un peu d’as­sur­ance? Cette fois, j’ac­coucherais aux L. ! Je ne serais pas couchée, mon accouche­ment sera respec­té, je n’au­rais ni péridu­rale, ni épi­siotomie, si tout va bien !
J’ai été trop naïve encore une fois. Trop con­fi­ante. Pensez-vous, les L., for­cé­ment ce serait par­fait. Et effec­tive­ment, j’ai com­mencé mon accouche­ment accroupie, bon, accroupie sur une table d’ac­couche­ment, avec une sage-femme entre mes jambes mais bon ! Et puis après avoir bien juré de douleur, elle m’a pro­posé de me remet­tre sur le dos, en posi­tion demi-assise, et là, blocage, le bébé ne passe pas ! Au bout de quelques instants (assez courts, mais j’ai bien crié), elle ne me pro­pose pas de chang­er de posi­tion mais sort ses ciseaux et hop, une épi­siotomie médi­ane. Après, elle dira “vous avez sen­ti ? Je vous ai fait une petite épi­siotomie !” Oh oui, j’ai sen­ti, j’ai vrai­ment eu l’im­pres­sion d’être découpée, à vif, et même en pleines douleurs, j’ai eu une sale impres­sion. La petite épi­sio arrive jusqu’à l’anus, qu’elle a endom­magé. On récupère le petit, il va bien, je suis fière de moi, j’ai accouché sans péridurale !
Et j’ai souf­fert d’hé­mor­roïdes pen­dant des mois, moi qui ne con­nais­sais pas ça… Evidemment, tous les avis médi­caux ont été : mais non, ça n’a rien à voir ! Parfois j’ap­prends que je ne PEUX PAS avoir une con­nais­sance de mon corps, par­don, que je n’ai pas la MOINDRE con­nais­sance de mon corps.
Le gyné­co­logue des L. insiste pour défendre sa sage-femme, et me dit que cette épi­sio était indis­pens­able, mais que pour un 4ème enfant, ce ne sera pas for­cé­ment néces­saire. Pour le 3ème, ça l’é­tait, puisque j’en avais eu 2. Il n’a pas dit ça le même jour, bien sûr ! J’ai l’im­pres­sion d’être en face d’un marc­hand d’accouchement…

Un an et demi après, je suis cyclique, j’ac­couche encore. Le meilleur moyen de ne pas avoir d’épi­siotomie est celui ci : MAISON !
J’ai trou­vé une sage-femme qui fait des accouche­ments à domi­cile, et qui m’avoue avoir fait UNE épi­sio, et encore, parce que la femme la sup­pli­ait (et l’a bien regret­té). J’en passe, je suis un peu suiv­ie par les L. (au cas où), on y décou­vre un bébé en siège et la men­ace de la césari­enne tombe!!!!
Moralité : j’ac­couche chez moi, seule, la sage-femme ne sera appelée qu’après. Le siège s’est très bien passé, le corps de la femme a très bien tenu le coup, que dis-je, j’ai accouché dans la douceur, j’ai retrou­vé mon pou­voir de femme.
Cet accouche­ment m’a lais­sé une petite déchirure à l’en­droit de la cica­trice de la dernière épi­sio, je n’ai pas été recousu, j’ai saigné à peine, 2 – 3 jours, je n’ai pas eu d’hé­mor­roïde et évidem­ment, après l’ac­couche­ment, je sautais comme une gazelle !
Quand je regarde mon sexe, j’ai l’im­pres­sion d’avoir fait la guerre. Ce n’est pas très joli, et pour­tant, j’ai d’autres cica­tri­ces sur le corps, et les autres, je les aime bien. Des gamelles en vélo, des mal­adress­es à force de jouer avec des couteaux… Mais ces trois là, qui défig­urent une par­tie si riche de mon intim­ité, et tout ça pour quoi ? M’humilier ? Me pos­séder ? Me prou­ver que face au monde médi­cal je ne suis rien ? Que la sci­ence n’est que pro­grès, et l’af­freuse sauvagerie de la femelle met­tant bas est à proscrire ?
Qu’est-ce que je suis heureuse en sauvage, maîtresse de mon corps !
Depuis ces accouche­ments, je n’ai pas eu de fuites uri­naires, ni d’in­con­ti­nences de quelque sorte, ni même d’or­gasme, je veux dire celui là qui m’a fait tomber dans les pommes une fois, avant, avant les enfants…

Natacha