Eviter l’épisiotomie
Episiotomie, le scénario idéal du monde idéal
Dans le scénario idéal, pendant la grossesse, les femmes sont informées sur l’épisiotomie, sur leurs indications, risques et alternatives, ainsi que sur les pratiques des professionnels de santé avec lesquels elles vont accoucher.
Toujours dans ce scénario idéal, les professionnels, eux, sont bien au fait de l’évolution des connaissances sur l’épisiotomie et déterminés à l’éviter au maximum et à faire le nécessaire pour éviter les complications, telles les déchirures graves.
Pendant l’accouchement selon le scénario idéal, dans les rares cas où ils pensent que l’épisiotomie est indiquée, les professionnels informent la femme, recherchent son consentement et considèrent son refus comme une contre-indication absolue à l’acte. Si l’épisiotomie est effectuée, elle l’est sous anesthésie péridurale ou locale, recousue dans les mêmes conditions ; les douleurs après l’accouchement sont prises en compte ainsi que les éventuelles complications des épisiotomies ou des déchirures.
Mais voilà, on n’est pas dans un monde idéal.
Episiotomie, le monde réel
En 2013, en France, 29% des femmes qui ont accouché disent ne pas avoir reçu d’information sur l’épisiotomie. Concernant le consentement, c’est la catastrophe : 85% des femmes qui l’ont subie disent qu’on ne leur a pas demandé leur avis. Pire encore, des femmes rapportent avoir été coupées de force malgré leurs refus ou protestations.
Je lui avais très bien dit « pas d’épisio » juste avant qu’elle le fasse, et elle a répondu « mais si je coupe pas, ça va se déchirer »
(témoignage de 2010)
Quant à supposer que les professionnels n’ont recours à l’épisiotomie qu’à bon escient, les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les maternités, les taux d’épisiotomie vont de moins de 3% à bien plus de 30% (moyenne nationale), et les taux des maternités au-dessus de la moyenne nationale ne sont jamais publiés. Pour les accouchement avec forceps, ou ventouses, le taux national est de 69% d’épisiotomie, mais certaines maternités en font moins de 10% dans ce cas, sans plus de complications.
Source des chiffres et témoignage : Rapport du Ciane
Alors, que faire ?
Comment être respectée dans ses droits à l »information et au consentement, et être soignée en accord avec les données de la science ? Voici quelques indications, à utiliser ou pas, selon la manière chaque femme le souhaite ou le ressent.
Faut-il s’informer sur l’épisiotomie pendant la grossesse ?
On peut s’informer. Notre site épisio.info est là pour cela.
D’autres sources d’information :
- le site du Collège des gynécologues obstétriciens, avec ses recommandations de 2005 destinées aux professionnels mais qui a le mérite de mettre les pendules à l’heure sur ce qui est scientifiquement prouvé et pas prouvé sur les bénéfices supposés de l’épisiotomie.
- les articles de la presse, de blog … certains sont très bien renseignés. D’autres véhiculent des informations fausses, par exemple en affirmant que l’épisiotomie est indispensable dans telle ou telle situation alors que les études scientifiques le réfutent ; en présentant comme efficaces des méthodes non validées pour éviter l’épisiotomie ; ou en donnant des taux d’épisiotomie non remis à jour… Pour évaluer si un article est fiable, il vaut mieux vérifier qu’il cite les sources de ses affirmations et que ces sources soient accessibles, au travers par exemple d’un lien vers un article scientifique.
Vous avez un doute sur une information ? Vous pouvez venir en parler sur notre page Facebook.
Faut-il se renseigner sur le taux d’épisiotomie de sa maternité ?
On peut chercher à s’informer sur les pratiques de la maternité, ou bien du professionnel qui sera à l’accouchement si on le connaît.
Comment connaître les taux d’une maternité ?
En France, en 2014, les taux d’épisiotomie de chaque maternité ne sont pas encore publiés de manière systématique, contrairement aux taux de césarienne, que l’on peut trouver facilement sur le site officiel Scope Santé. Dans une seule région, les Rhône-Alpes, le taux de chaque maternité est publié officiellement par le réseau périnatal Aurore (voir la partie « mieux connaître les maternités » qui dirige sur la fiche signalétique de chaque maternité).
Certaines maternités publient leurs taux sur leur site Internet – mais en toute logique, seules celles qui pratiquent des taux considérés comme raisonnables dans le système français le font (30% et en dessous).
On peut connaître le taux de certaines maternités pour certaines années grâce à des publications scientifiques ; là encore, ce sont en général des maternités qui font des efforts pour baisser leur taux d’épisiotomie.
agrandir la carte
Le Ciane a répertorié toutes les maternités dont il a pu trouver les taux, en novembre 2013. La liste est disponible en annexe du rapport « Episiotomie, état des lieux et vécu des femmes ». L’AFAR propose aussi une carte de France des taux d’épisiotomie.
Le moyen le plus direct de connaître le taux d’épisiotomie d’une maternité est de le demander directement. Nous n’avons pas vraiment de retour sur l’accueil qui est fait à cette question, ni si elle obtient des réponses.
Je connais le taux d’épisiotomie de ma maternité, et alors ?
Le taux d’épisiotomie ne donne qu’une indication. Un taux bas peut rassurer, sans pour autant être une garantie contre les épisiotomies abusives ; dans les maternités où les taux sont hauts, on peut aussi tomber sur une sage-femme ou un obstétricien qui pratiquent peu d’épisiotomies.
Les femmes pour qui il est important d’éviter l’épisiotomie peuvent choisir leur maternité en fonction des taux qui y sont pratiqués – mais cela n’est possible que pour celles qui ont plusieurs maternités près de chez elles, ce qui est loin d’être le cas partout.
Faut-il rédiger un projet de naissance ?
Qu’est-ce qu’un projet de naissance ?
Un projet de naissance contient les souhaits/ préférences de la femme enceinte/ des parents, sur le déroulement de l’accouchement. Il peut se présenter sous forme écrite, ou être juste discuté lors de de la grossesse et rappelé à l’accouchement. Il peut aussi bien concerner des femmes qui auront un accouchement très médicalisé, comme une césarienne, que celles qui souhaitent un accouchement le plus naturel possible.
Exemples : présence du père lors d’une césarienne, ne pas avoir les bras attachés pendant la césarienne, ou un seul bras ; pouvoir se déplacer pendant le travail sans péridurale ou avant qu’elle soit posée, ne pas avoir de perfusion branchée systématiquement ; …
Un pourcentage élevé des femmes qui rédigent des projets de naissance, souhaitent éviter l’épisiotomie (C’est le cas, par exemple, de 54% des projets de naissance des femmes accouchant dans l’espace physiologique du CHU d’Angers, 2011 – 2012, selon ce Mémoire de sage-femme)
Je ne souhaite pas d’épisiotomie, hors urgence médicale avérée
(extrait d’un projet de naissance)
Avantages et inconvénients du projet de naissance
L’objectif du projet de naissance, à notre sens, c’est d’engager le dialogue avec les professionnels de santé, de leur dire ce qui est important pour chacune, d’entendre leurs contraintes à eux. Si on n’a pas la chance d’arriver à dialoguer à l’avance avec l’équipe médicale, il est toujours intéressant de rappeler, en salle de naissance, ce qui est important pour chacune.
Les inconvénients :
On peut tomber sur les sages-femmes et obstétriciens qui tiennent compte des projets de naissance, qui en font une base de dialogue. Mais on peut aussi tomber sur des professionnels qui se braquent, qui trouvent insupportable que des patientes se mettent à dire ce qu’elles souhaitent, ou qui ont eu des mauvaises expériences. Dans ce cas là, le fait de présenter un projet de naissance peut créer un climat hostile.
Il est possible que certains couples arrivent face aux équipes médicales dans une démarche qui ne laisse pas place au dialogue, en caricaturant :
Pas d’épisiotomie, sinon j’envoie mes avocats
(caricature imaginaire de démarche fermée au dialogue que nous n’approuvons pas)
Nous ne soutenons pas ce type de démarche. La relation de soins nécessite le respect et le dialogue de part et d’autre.
Refuser l’épisiotomie : est-ce raisonnable ? Suis-je dans mon droit ?
Le refus de l’épisiotomie est-il toujours médicalement justifié ? Non, si la plupart des indications médicales d’épisiotomie ont disparu, les recommandations de pratique clinique (RPC) laissent une marge de manœuvre à l’opérateur, l’appréciation d’une situation restant un acte complexe. Par ailleurs, un climat de bienveillance réciproque et de confiance mutuelle est plus favorable au bon déroulement de la naissance. Si le taux d’épisiotomie peut être très bas, – l’hôpital français qui fait le moins d’épisiotomies rapporte un taux de moins de 1 % en 2013 – il n’est cependant jamais nul.
Néanmoins les droits du patient exigent que son consentement soit recueilli avant tout acte médical. Au final, le refus de la femme devrait donc être une contre indication absolue à l’épisiotomie. Hélas, ce n’est pas toujours ce qui est constaté, et la justice française ne semble pas encore reconnaître qu’une femme qui a eu une épisiotomie malgré son refus est une victime.
Il est important de souligner que l’enquête du CIANE 2013 montre que :
- lorsqu’on leur demande leur consentement 7 femmes / 10 acceptent ;
- les femmes ayant donné leur consentement pour l’épisiotomie souffrent moins que celles dont on n’a pas recueilli l’accord. Et ce pour au moins deux raisons : « le ressenti de la souffrance dépend de la manière dont la femme a été traitée, et de la demande de consentement fait partie des bons traitements ; les équipes plus respecteuses du consentement seraient aussi celles qui seraient les plus attentives aux suites de l’épisiotomie » ;
- les femmes qui ont subi une épisiotomie s’estiment moins bien informées.
Sources
Séjour C. Mémoire de sage-femme. Evaluation de la satisfaction des patientes concernant le nouvel « espace physiologique » du C.H.U. d’Angers (2013) http://dune.univ-angers.fr/fichiers/20070813/2013MDNSF625/fichier/625F.pdf
Chehab, M. et al. Influence d’une forte diminution du recours à l’épisiotomie sur le taux global de périnée intact et peu lésionnel dans une population d’une maternité de niveau III. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 43, 463 – 469 (2014). http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0368231513001531
Dossier du Ciane Episiotomie : état des lieux et vécu des femmes (2013) http://ciane.net/blog/wp-content/uploads/2013/11/Enqu%C3%AAte-%C3%A9pisiotomie-Ciane-2013.pdf Page 13, 14 et 15
Commentaires récents