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Écrit par Fréderique 01-12-2005
Cette lettre a été envoyée à la Polyclinique de l’A., en recommandé avec accusé de réception début mars 2005. Aucune réponse n’a été faite à ce jour…
A l’attention
du Président Directeur Général le Dr C.
et de la Coordinatrice de la maternité Mme P.
Copie au Dr G.
Madame, Monsieur,
Le 14 janvier 2003, j’ai eu le bonheur de devenir mère pour la première fois… et la malchance que cette naissance se soit passée dans votre établissement. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis cette naissance et peut-être ma lettre vous paraîtra-t-elle un peu tardive. Il est bien compréhensible que parmi toutes vos patientes je n’ai laissé aucun souvenir à la Polyclinique, en revanche croyez bien que la Polyclinique m’a laissé un souvenir hélas impérissable.
Le 14 janvier 2003, mon mari et moi nous sommes présentés à l’accueil de la maternité à 3h00, la poche des eaux rompue et des contractions anarchiques. Une sage-femme nous a conduit dans une chambre où ma sœur (qui est également sage-femme) nous a rejoints quelque temps après. Aux environs de 7h, les contractions sont devenues plus régulières. Pendant tout ce temps, j’ai pu déambuler tranquillement dans la chambre, n’étant pas ou peu dérangée par les sages-femmes et autres infirmières. Cependant, un premier reproche à faire serait le suivant : le manque de nourriture et de boisson s’est fait cruellement sentir (ce n’est pas avec deux biscottes dans l’estomac que j’ai pu me sentir rassasiée, toutefois, sachez que jamais une biscotte ne m’a parue aussi savoureuse qu’à cet instant là). Vous répondrez que cette règle est mise en place pour des raisons de sécurité, en cas d’anesthésie générale… mais nous verrons que les mesures sécuritaires poussées à l’extrême sont hautement nocives. Je trouve également cette règle contradictoire avec le fait que l’accouchement mobilise tout le corps d’une femme et demande une grande consommation d’énergie pour mener à bien cette grande aventure. Refuser à une femme de s’alimenter revient à la contraindre à puiser dans ses réserves… quitte à ce que cette femme s’épuise rapidement. De plus, cela va à l’encontre des recommandations de l’OMS.
Le « travail » ayant commencé, les contractions sont devenues plus intenses et plus efficaces. Et puis, vers 9h30, une sage-femme est venue me poser le monitoring… encore cet excès sécuritaire, pour surveiller le bébé… comme si je n’étais pas capable de sentir si mon enfant allait bien ou non…
A partir de ce moment là, tout a basculé. Le monitoring imposait une position statique, allongée ou semi-allongée, alors que je n’avais fait que marcher jusqu’alors. Mais étant disciplinée, j’ai laissé le capteur de cet appareil sur mon ventre et ce fut une grande erreur. La douleur devenait de plus en plus intense, insupportable. Aucune personne de l’équipe médicale n’est venue pour m’encourager, me soutenir… et quand le verdict des 4 cm de dilatation est tombé, après des moments que je ne saurais mesurer de contractions intenses, je me suis sentie complètement dépassée. La seule option proposée par la sage-femme a été la péridurale. Pourtant, il est reconnu que la position allongée ou semi-allongée amplifie les douleurs qui irradient alors dans le dos et n’aide en rien le travail.
Alors oui, j’ai pris la péridurale. J’ai eu une seule dose de péridurale, du moins c’est ce qu’il m’a semblé puisque l’anesthésiste n’est pas revenue par la suite. J’ai été transférée en salle de naissance. Le col s’est rapidement dilaté. J’avais demandé si ma sœur pouvait être présente en salle de naissance en plus de mon mari. Une infirmière ou une sage-femme m’a sèchement fait remarquer que « la salle était trop grande » (elle avait sans doute voulu dire trop petite, lapsus révélateur ?). Quel mépris dans le ton de sa voix, et pourtant, ma demande avait été formulée avec courtoisie. Mais je dois dire que votre personnel médical m’a paru singulièrement froid en ce qui concerne certaines personnes…
La seule éclaircie dans ce paysage sombre a été le geste de la sage-femme qui a été présente par la suite en salle de naissance : elle a accepté de faire entrer ma sœur. Pour cela, je l’en remercie de tout cœur car la présence de ma sœur, en plus de celle de mon mari, m’a été d’un grand secours, pas tellement sur le moment mais des mois après : ils avaient été les témoins de l’accouchement et pouvaient ainsi mieux comprendre les suites pénibles que j’ai vécues.
Mon enfant s’était engagé, la naissance était imminente. A ce moment-là, la sage-femme a appelé le gynécologue-obstétricien, à savoir le Dr G. Et nous arrivons au dernier acte de cette sinistre parodie d’accouchement : l’obstétricien arrive, jauge toutes les personnes présentes et remarque acerbement la présence de ma sœur, m’examine en vitesse, décrète que ma fille ne se présente pas tout à fait en occipito-pubien, contredisant du même coup ce qu’avait annoncé la sage-femme quelques instants plus tôt, saisit la paire de ciseaux pour couper mon périnée, puis les spatules de Thierry en me disant « ne vous inquiétez pas, ce ne sont pas des forceps » (techniquement, effectivement ce ne sont pas des forceps mais la différence, pour une femme, reste minime…) et puis il sort ma fille de mon vagin. Il m’aura été épargné une délivrance artificielle, mon placenta ayant eu la bonne idée de sortir suffisamment vite, sinon je pense que j’y aurais eu droit. Cependant, je me permets de signaler que l’expression abdominale qui a été faite pour évacuer les éventuels « débris » est une pratique hautement nocive pour les muscles du périnée. Et pendant que ma sœur et mon mari s’occupent de ma fille, l’obstétricien se met à suturer l’épisiotomie, sans tenir compte du fait que je sentais l’aiguille se planter dans ma chair : je pense qu’à ce moment-là, la péridurale ne devait plus faire effet.
La suite du séjour a été dans la continuité de l’accouchement. La valse des infirmières et des sages-femmes, pour prendre ma tension, ma température (mais m’envoyant balader quand j’ai dit que je me sentais faible et anémiée, aucune prise de sang n’a été faite pour confirmer ou non cette sensation), la température de ma fille, et ce, sans le moindre souci de nous déranger ou non… le bain de ma fille, avec horaire imposé, que ma fille dorme ou non, qu’elle soit en train de se nourrir ou non… le tout sous le regard critique et acerbe d’une puéricultrice sans doute tellement blasée par son métier qu’elle n’en tire aucune satisfaction. Je regrette de ne pas avoir retenu le nom de cette personne, qui a su si bien me faire comprendre quelle empotée j’étais… de tout ce ballet, une personne manquait à l’appel : jamais je n’ai eu la visite de l’obstétricien. Mon cas ne devait sans doute pas être intéressant…
Puis je suis retournée chez moi. Au plus vite, j’ai demandé à partir dès que possible. Ensuite, la vie a repris son cours. Mais j’étais marquée… je dois dire que l’année qui a suivi cet accouchement a été particulièrement pénible, tant cet accouchement nous a traumatisées, moi et mon enfant. J’ai souffert pendant un mois de douleurs au niveau de l’épisiotomie. Les céphalhématomes de ma fille n’ont été résorbés que suite au traitement d’un ostéopathe. Pour un accouchement supposé médicalement bien passé, il me semble que les séquelles sont nombreuses…
A présent je voudrais revenir sur quelques points.
Tout d’abord, l’accompagnement de la parturiente : il est inexistant. Je comprends que le manque de personnel engendre une absence totale d’accompagnement de la femme, mais dans ce cas, il vaudrait peut-être mieux réduire la quantité d’accouchements par an pour privilégier la qualité des accouchements.
La péridurale n’est pas la panacée, cela reste une technique médicale, avec ces indications et contre-indications, et des conséquences qui s’enchaînent sans que la femme ne soit forcément au courant :
– l’injection d’ocytocine si les contractions s’affaiblissent
– l’injection d’hypertenseur puisque la tension de la femme chute généralement
– la nécessité de diriger les poussées de la parturiente qui, insensibilisée, n’est plus capable de faire sortir seule son enfant. Or ces poussées dirigées sont très traumatisantes pour le périnée.
Dès lors, nous ne pouvons plus qualifier l’accouchement de physiologique, mais bien de hautement médicalisé, voire industrialisé.
Bien sûr, la péridurale est appréciable mais surtout pour l’équipe médicale : ainsi, l’accompagnement dont je parlais plus haut n’a plus vraiment raison d’être, la femme ne souffrant pas, il est inutile de l’aider à trouver des positions rendant les contractions plus supportables.
Ensuite, l’épisiotomie : il est manifeste qu’à la Polyclinique de l’A. cette incision du périnée est pratiquée de façon systématique, le plateau comportant les ciseaux et les spatules étant arrivé quasiment avec l’obstétricien, ne me laissant aucune chance de sortir de cet accouchement avec un périnée intact. La question que je me pose est la suivante : est-ce que l’épisiotomie a été faite dans l’esprit qu’elle serait suivie par l’utilisation de spatules ?
Mais la vraie question est : pourquoi les spatules ont-elles été utilisées ? La sage-femme avait annoncé une OP, l’obstétricien la contredit… hélas, je ne saurais jamais qui des deux avait raison, même si j’ai mon idée là-dessus… En tout état de cause, mon accouchement était joué, ainsi en avait décidé l’obstétricien. Aucune chance de sortir mon enfant seule ne m’a été donnée, je n’ai poussé que 2 ou 3 fois avant que le Dr G. ne perde sans doute patience et brandisse ciseaux et spatules. Je le remercie pour les deux splendides céphalhématomes dont ma fille a souffert pendant le premier mois de sa vie, ainsi que pour la fracture de la clavicule (diagnostiquée par la pédiatre quelques jours plus tard).
Evidemment, nulle part et à aucun moment il ne m’a été demandé mon consentement, concernant entre autres l’épisiotomie et les spatules (d’autres gestes ont été également pratiqués, je vous joins en fin de lettre les recommandations de l’OMS concernant le respect de l’accouchement. J’ai mis en italique gras les gestes qui m’ont été imposés), et ce en dépit de la loi (article L 1111 – 4 du Code de Santé Publique, entre autres) et du Code de Déontologie Médicale (articles 8, 34, 35, 36, 37).
Je suis certaine que vous trouverez les arguments qui vous paraîtront justifier de telles pratiques… certainement au nom de la sécurité. Mais pensez-vous qu’à un instant ma vie, ou celle de mon enfant, a été mise en danger ? Pensez-vous qu’il était urgent de se saisir des spatules au risque de provoquer des lésions sur la tête de ma fille ? De provoquer des lésions sur mon périnée ?
Je n’attends rien de votre part, mon but est simplement de vous dire que la naissance de ma première fille a été gâchée par un enchaînement de faits qui ont totalement échappé à mon contrôle au profit de celui de l’équipe médicale. Que cette naissance a basculé dans la médicalisation sans que je puisse rien y faire. Non, ce type de naissance n’est pas une « belle naissance qui s’est bien passée ». Non, je n’ai pas été accompagnée, et surtout pas par ce gynécologue-obstétricien qui a débarqué juste avant la naissance de ma fille et qui en 5 minutes a commis un grand nombre de dégâts.
Toutefois, je dois vous remercier : j’ai pris conscience de l’importance du respect de la naissance d’un enfant ainsi que du fait que le système médical actuel est dans l’incapacité (ou la non-volonté) à accompagner les accouchements physiologiques. Grâce à cette expérience, j’attends avec sérénité la naissance prochaine de mon deuxième enfant… loin de vos locaux.
Je vous remercie de m’avoir lue jusqu’au bout.
Frédérique M
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